Friday, May 22, 2009

Après la pluie, ce n'est pas le beau temps à Kinshasa

Ceci est-il éthique?


Voilà notre nouvelle série de réflexions sur certains comportements que nous verrons désormais sur le terrain et que nous décrirons en demandant à nos lecteurs de nous dire si ces comportements sont éthiques ou non.

Aujourd’hui, nous introduisons notre réflexion avec l’éthique de la protection de l’environnement.


Quand il pleut à Kinshasa, c’est souvent la catastrophe.

Tout commence quand on entend des grondements de tonnerre. Nous nous envoyons des coups de fil ou des messages SMS en nous disant à peu près ceci : « attention ! Il va pleuvoir ; il faut vite prendre les précautions pour retourner à la maison avant qu’il ne soit trop tard »

Et pour cause ?

1) Après la pluie, ce n’est jamais le beau temps à Kinshasa comme le prétend le vieux dicton. Les eaux de pluie surabondent partout sur la ville, y compris dans les quartiers qu’on appelle milieux des nantis et des hommes du pouvoir.

2) Les voitures et autres véhicules de transport en commun sont garés par peur d’être emportés par les « crues » des « rivières qui se forment dans les rues. Il n’existe pas de bonne canalisation pour évacuer les eaux de pluie dans cette ville. Il y en avait quand les colonisateurs étaient encore là. Et puis, c’était prévu pour une population d’à peu près 500.000 habitants. Aujourd’hui, la population est évaluée à plus (ou près de ?) 10.000.000 d’habitants. Vous comprendrez que je ne fais même pas confiance à ces estimations. On les gonfle lorsqu’on veut gagner quelque chose — c’est le cas pour des provinces dans lesquelles on veut recevoir un financement, un électorat, etc. — ou alors on fait en sorte que les statistiques ne soient pas faisables puisqu’on a peur d’un nombre élevé de personnes, ce qui donnerait une occasion à des concurrents de réussir une action ou une élection. Disons que dans une ville de quelques millions d’habitants avoisinant une dizaine de millions, faire foi en une canalisation prévue pour un demi million n’a aucune logique morale, ni même autre. Les voitures sont garées par peur d’être emportées par ces eaux en crue. Il y a eu des morts comme cela il n’y a pas longtemps. Les voitures ont coulé avec leurs passagers au regard hagard des piétons.

3) Mais où vont ces voitures qui sont garées ? La ville a des petits débits de boisson appelés terrasses partout le long de routes. En ce moment, les terrasses ferment et les salons deviennent le lieu de refuge des voituriers mais aussi le lieu de vente de boissons. Il s’agit d’une bonne occasion de vente pour les tenanciers des terrasses mais aussi de passe temps pour les voituriers et leurs passagers.

4) Comme beaucoup de « maisons » n’ont pas de fosses septiques des toilettes dans beaucoup de quartiers, et qu’une seule fosse peut servir plusieurs de ces « maisons », ces fosses sont vite pleines. Elles sont tout simplement vidées et le contenu est laissé à couler avec les eaux de pluie, polluant un peu plus ces eaux déjà polluées par les poubelles naturelles qui pullulent autour des « maisons ».

5) Pendant ce temps, les quelques travailleurs et promeneurs qui ont pris le risque de braver les eaux pour retourner chez eux marchent à pieds dans ces eaux polluées. Si par un malheureux hasard une personne de bonne volonté n’a pas pensé à couper le courant quand commençait la pluie, certains piétons marchent carrément sur des fils électriques souvent nus ou sont électrocutés par l’eau qui traverse les zones à tension électrique.

6) Entre temps, où se trouvent les autorités supposées au service du peuple qui les élit ? Je n’en sais rien. Elles méritent d'ecouter cette interpellation: les colonisateurs ne retourneront plus nous construire le système de canalisation des eaux et le système d'approvisionnement de Kinshasa en électricity. Mais où sont nos autorités? J'ai déjè répondu à cette question: je n'en sais rien. Tout ce que je peux demander à tout le monde, c’est de répondre à la question suivante : ceci est-il éthique ?

Conseil d'ami: Respectons notre environnement si nous ne voulons pas qu’il nous engloutisse d'ici là.

Vos commentaires nous feraient plaisir

Bavon Mupenda, CIBAF, Kinshasa, RDC

Thursday, May 14, 2009

L’IMPACT DE GREVES DANS LE MILIEU HOSPITALIER

Dans l’esprit du père fondateur de la médecine, Testament d’Hippocrate, les personnels soignants doivent jouir d’une bonne vie sociale. Du reste, c’est le droit le plus légitime pour toute personne.

Mais il s’avère dans les pays à ressources limitées qu’on assiste à la clochardisation de toutes les couches de la société, sans épargner les personnels soignants (médecins, infirmiers, paramédicaux), avec dégradation des conditions de travail.

La démocratie faisant la ronde, les mouvements syndicaux prennent corps et tentent de présenter les revendications sociales de ces travailleurs aux gouvernants pour des solutions éventuelles. Cependant, ces derniers, dans la plupart de temps, font la sourde oreille.

Les négociations syndicats – gouvernement échouent ; le gouvernement est opaque aux revendications sociales des travailleurs ; il ne bouge pas et ne propose rien, sinon des promesses des propositions inacceptables.

Devant cette situation, les syndicalistes pensent rendre plus visibles leurs revendications à l’échelle nationale et internationale ; ils proposent, entre autres, aux travailleurs de faire la marche. Face à la répression de la police, la marche échoue ; le gouvernement est imperturbable, la situation sociale des travailleurs est au statu quo.

Les travailleurs décident alors de ne plus travailler, c’est la grève. La grève peut atteindre tous les secteurs, selon les cas, y compris celui de la santé, dans les milieux hospitaliers.

Au premier mot d’ordre de grève, les travailleurs observent un service minimum ; si la situation ne s’améliore toujours pas, ils procèdent à ce qu’ils appellent eux-mêmes « une grève sauvage » i.e. sans service minimum.

Et c’est dans ce cas de figure que nous nous retrouvons.

Quel est l’impact de cette grève dans le milieu hospitalier ?

Selon les périodes, c’est soit les médecins, soit les infirmiers ou les paramédicaux qui vont en grève. Notre préoccupation est de proposer une réflexion sur les victimes de cette grève dite sauvage.

En effet, nous n’y pensons peut-être pas, moins la classe dirigeante. Il y a des vies sacrifiées qui pouvaient être sauvées. Le manque des soins en est la cause. Manque des soins dû à la grève.

Voici deux de cas illustratifs :

Les médecins en grève

…Le mouvement de grève se déclenche, les hôpitaux se vident des soignants, les malades hospitalisés sont libérés. Une mère épuisée, aire affamée, …un enfant enveloppé dans ses bras, vient de descendre d’un taxi en provenance d’un centre hospitalier de la périphérie de Kinshasa déserté à cause de la grève pour un hôpital de référence de Kinshasa…

A l’entrée dudit hôpital, des rameaux de palmier, signe de grève ; elle est accueilli par le gardien. Celui-ci lui dit : « Où allez-vous ? Il y a grève, il y a personne… ». Cette mère reste figer comme s’elle n’étendait pas le garde parlait ; elle lève les yeux vers le ciel et elle redescend pour regarder son bébé. Le bébé soupirait pour rendre l’âme. Elle serra son bébé contre sa poitrine, elle se cria, pleura à flot de larme. Un bébé qui aurait peut-être sillonné des hôpitaux avec sa mère à la recherche des soins ; il mourut sans soins.

Le second cas

Les infirmiers et paramédicaux en grève

Nous sommes dans les soins intensifs d’un hôpital de référence de Kinshasa.
La grève se déclenche, les grévistes arrangent les matériels dans leurs boites et les placent sous clé dans leurs armoires.

Un enfant dyspnéique, faisant probablement une Pneumonie à Pneumocystis jirovici, oxygéno-dépendant, devrait « se débrouiller » pour lutter sans oxygène…il mourut dans un tableau de dyspnée sans assistance.

La question qu’on peut se poser tous : est-ce que le gouvernement congolais et les syndicats disposent des statistiques des décès dus à la grève ?

Quant aux responsabilités des uns et des autres, que dirions-nous ?

- Le gouvernement, premier responsable de l’organisation de la vie en société, devrait garantir à la population - entre autres - un système de santé efficace qui assure de bonnes conditions d’accueil des malades et de travail pour le corps soignant; en plus, assurer à ces derniers une rémunération adéquate et régulière afin de prévenir des mouvements de grève qui paralysent la prise en charge des patients et ainsi, occasionnent des morts « gratuites ».

- Les grévistes (les syndicats), les corps soignants (les médecins) qui, par le serment d’Hippocrate, ont juré d’assurer le bien-être des patients dans la mesure de leurs forces et connaissances, sans citer leurs conditions de vie sociale, devraient réfléchir deux fois s’il faut abandonner les malades pour leurs « ventres ». Car, dans la plupart des cas, la classe dirigeante n’en pâtit pas.

Les infirmiers, collaborateurs directs des médecins, devraient également avoir le même égard envers les patients.

Ces morts doivent nous aider à réfléchir, gouvernant comme syndicats.

Ces morts irrécupérables même après la grève.

L’année dernière, en 2008, les médecins sont allés en grève deux fois (deux mois la première fois et quatre semaines la seconde) pour revendiquer principalement l’amélioration de leurs primes dites primes de risque et la mécanisation des médecins nouvelles unités.

Ils ont repris service après une résolution partielle de leur revendication, les médecins nouvelles unités ont été mécanisés et les primes de risque actualisés au taux du jour (parité francs congolais – dollars américains) sans majoration.

Les infirmiers et paramédicaux partis en grève principalement pour de raison presque similaire, l’amélioration de revenu, reprennent service quatre mois plus tard sans compromis avec le gouvernement mais avec des pistes de solution.

De nouveau au service, satisfaits ou pas de leurs revendications, qui pensent aux morts ? Aux patients délaissés qui ne sont plus ?

Qui posent la question : combien en sont-ils morts ?

Des morts que nous pouvions éviter …
Par Tomi Tshikandu, MD -
Coordonnateur Réflexions sur soins ancillaires (CIBAF, UNC DRC)

Wednesday, October 1, 2008

Le souci de l’autre prévaut-il à la pratique de l’I.A.D. (II)

2. La préférence dans les sexes

Les naissances des garçons ont toujours été accueillies avec plus de joie, partout dans le monde. Dans tous les sytèmes patrilinéaires ou matrilinéaires, l’enfant de sexe male représente une fièrte familiale, car il sert de continuité de la généalogie familiale, et de la survie du clan ; ainsi en Afrique, par exemple, une femme tant qu’elle n’a pas encore donné naissance d’un garçon, elle se sent en insécurité sociale, car pour le mari et toute sa famille, l’enfant le plus désiré n’est pas encore né. Les Africains traditionnels, ne comprenant pas la science, attribuent le mauvais choix du sexe à la femme, portant c’est l’homme qui détermine les sexes des enfants. La recherche d’enfant de sexe mâle est souvent l’une des raisons d’être de la polygamie.
La Chine applique depuis quelques décennies la politique de planning familial, soit un enfant par couple (famille) ; dans ce pays, l’avortement y est aussi autorisé. Il est cependant demandé aux médecins-gynécologues de garder secret le sexe de l’enfant à naître pour éviter que les parents ne sollicitent l’avortement en cas d’enfant de sexe féminin.
Le fait qu’un nombre croissant d’hôpitaux refusent désormais de révéler le sexe du bébé constitue une indication sérieuse que la pratique discriminatoire des avortements en fonction du sexe existe bien. Le test de l'ADN donc inévitablement conduit à un accroissement des avortements dans certaines communautés où les enfants sont considérés comme des marchandises et où la pression est déjà forte chez les femmes pour avorter si leur bébé est du "mauvais sexe".
Selon une enquête publiée récemment par le journal médical britannique The Lancet, au moins 10 millions de foetus féminins ont été avortés ces vingt dernières années en Inde où les filles, qui ne peuvent perpétuer le nom de famille et doivent recevoir une dot pour pouvoir se marier, sont considérées comme « problématiques ». Or cette discrimination semble aussi toucher la communauté indienne en Grande-Bretagne (1,08 million d’individus, 2,33 millions avec les Pakistanais, les Sri Lankais et les Bangladais).
Selon certaines associations médicales, un nombre non négligeable de femmes ayant découvert que leur bébé est une fille se rendent en Inde pour se faire avorter si elles ne peuvent obtenir une interruption volontaire de grossesse en Grande-Bretagne, parce que les listes d’attente sont trop longues dans le public et que la procédure dans le privé coûte trop cher ou parce que leur médecin leur refuse l’opération dans le cas d’avortements à répétition.
On le sait, l’Inde et à la Chine pratiquent l’avortement sexué à grande échelle, et près de 100 millions de filles ne sont pas nées du fait de cette pratique
Chez les Bassa du Cameroun, une fille à sa naissance n’a pas de nom, car elle ne représente rien pour sa famille. Les Bashi de la République Démocratique du Congo par contre ne voient en la fille qu’une source d’enrichissement ; chez eux, la vache représente leur richesse principale ; or c’est grâce à la fille que le nombre de vaches accroît dans une famille. Ainsi, on lui donne à la naissance non seulement des noms-marketing par lesquels on vante sa beauté , par exemple NABUCI (miel), NAMWEZI (lune), NAKINJA (beauté), mais aussi des noms-économiques, comme NNANKAFU (détentrice de vaches), NAZILERHE (porteuse de vaches),... Au délà de cet aspect matériel, les Bashi ne trouvent en l’enfant de sexe féminin aucune autre considération. Pour eux, le garçon, c’est ça l’enfant.
Toute fois, les enfants de sexe masculin ne sont pas seulement voulus par leurs pères ; même les femmes occidentales et héritières du féminisme, sont aussi si fières de donner naissance à un garçon. Psychiquement, les gens sont plutôt rétrogrades et peinent à se détacher des représentations ancêstrales.
Mais pour quelles raisons les mères préférent-elles plus leur fils ? Pas d'effet miroir ni de rivalité. Avec cet homme qu'elles ont porté, ce sera une fusion à vie. Une relation pas toujours assumée et une préférence encore taboue. Il est l'homme de sa vie, celui qui l'aimera jusqu'à la fin de ses jours, sans jamais lui faire de reproches. Elle est en adoration devant lui, fût-il un assassin. La relation mère-fils est une relation puissante, unique, proche d'un amour inconditionnel.
Aucune mère n'admettra qu'elle préfère son fils à sa fille. Toutes, pourtant, reconnaissent qu'elles entretiennent avec lui une relation différente, moins complice mais plus fusionnelle, où la séduction tient une grande place. Cela commence bien avant la naissance et dure toute la vie.
Autrement dit, les femmes se comporteraient elles aussi, inconsciemment, de manière misogyne. Peut-être même qu'avec leurs fils elles tiendraient l'occasion de prendre leur revanche sur le destin, d'accomplir ce qu'elles-mêmes n'ont pu réaliser en tant que femmes, comme : pratiquer un sport violent, entreprendre de longues études, ou encore multiplier les rencontres amoureuses…C’est ce que nous appellerons « une revanche sur le destin ».
Toutes les mères entretiennent une relation très fusionnelle avec leur bébé, avec des caresses, des baisers, des mots tendres...et ce qu'il s'agisse d'une fille ou d'un garçon. Les éthologues constatent cependant que leur comportement n'est pas rigoureusement identique dans les deux cas. Les mères allaitent plus longtemps les fils, elles les tiennent plus serrés contre leur corps, leur parlent moins mais les caressent davantage. Elles s'adaptent aussi plutôt facilement à leur rythme biologique, les nourrissent plus volontiers "à la demande", et à l'inverse, tendent à soumettre leurs filles à leur propre rythme…
Mais qu'ont-ils donc de plus, ces petits garçons, pour que leurs mères se mettent à leur service dès la naissance ? La réponse est d'une évidence criante : un pénis, qui, selon Freud, manquerait cruellement aux femmes et devant lequel, il faut l'avouer, elles seraient assez émerveillées. Dire qu'elles ont porté, neuf mois durant, un sexe d'homme dans leur ventre !« Le petit garçon est un enfant mâle qui naît de la chair d'une femme, explique Christiane Olivier[1]: il réalise le mariage parfait des deux sexes et complète, inconsciemment, sa mère. D'où le caractère unique et exceptionnel du lien qui les unit. » La séduction intervient peu après.
Les garçons, selon leur mère, seraient beaucoup plus affectueux que leurs sœurs. Ce qui les émeut et les trouble à la fois. Les garçons prennent parfois le visage de leurs mères dans les mains, caressent leurs cheveux comme le ferait un homme. C'est quelque chose de très fort, que les filles ne font pas malgré la grande complicité affective avec leurs mamans. A la puberté, cette relation très tendre commence cependant à mettre les mamans mal à l'aise. Leur petit homme les dépasse d'une tête, et quand il leur prend la main ou les serre dans ses bras, l'ombre de l'inceste leur traverse l'esprit.
Un garçon ne se contente pas d'être différent physiquement. Il l'est également par son caractère, ce qui déstabilise parfois sa mère. Elle n'apprécie pas toujours ses jeux, qu'elle juge violents ou primitifs, ne comprend pas ses colères et son peu de motivation scolaire, est fatiguée par son agitation. Bref, elle ne se retrouve pas en lui. Ce qui ne l'empêche pas de l'aimer, bien au contraire. Malgré ces différences, grâce à elles peut-être, les mères acceptent les fils tels qu'ils sont, avec leurs défauts, au point de se montrer souvent plus tolérantes avec eux qu'avec leurs sœurs.
Sachant déjà que les hommes sont pas égaux de par leurs sexes, nous allons voir la conséquence qui découle de cette inégalité : qu’est-ce qui arrive au sexe faible ? Les exactions corporelles. Ce sera l'essentiel du prochain article (à suivre)
[1] Christiane Olivier: « Enfants de Jocaste : l'empreinte de la mère », Paris, Denoël, 2003, 84
Dr Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, Anthropologue (CIBAF)

Tuesday, September 16, 2008

Le souci de l’autre prévaut-il à la pratique de l’I.A.D. (I)

Introduction
Les courants d’inspiration féministe partagent avec l’éthique narrative et l’éthique du souci de l’autre une attitude critique à l’égard de l’interventionisme biomédical scientifi- quement fondé et technologiquement armé. La bioéthique féminine invite à raconter l’histoire de la biomédecine contemporaine du point de vue des femmes qui diffère du récit officiel dominant qui est celui des hommes inventeurs et acteurs du progrès technoscientifique. Elle porte une attention critique spéciale aux P.M.A. (procréation médicalement assistée) qui serviraient davantage les intérêts de recherche masculins que la cause des femmes dont le corps est objectivisé et opéré.
La bioéthique féminine ou bioéthique féministe se divise autour de la question de l’ethique du souci de l’autre ou de la sollicitude ou encore du soin (ou des soins : care ethics) ou enfin la compassion, l’écoute, l’empathie.....
La bioéthique animale enseigne qu’il ne faut pas considérer l’animal comme une bête au sens strict du mot, c’est-à-dire un être vivant qui ne refléchit pas, mais à se poser la question de savoir s’il ressent la douleur ; ainsi, dans la théorie du souci de l’autre, il est question de se mettre à la place de la femme dont le corps souffre suite aux recherches technoscientifiques en général, et la pratique de l’I.A.D. en particulier.
En effet, de tous les temps et de toutes les cultures, la femme, malgré son rôle on ne peut plus important qu’elle occupe dans la société, a toujours été considérée comme un être humain secondaire, ou tout simplement, une personne sans personnalité. Pour le cas de l’Afrique, à la racine de cette déconsidération, il y a bien sûr les us et coutumes, les lois modernes et le christianisme qui font de l’homme le Maître de la femme. Pourtant le christianisme se passe pour une religion civilisatrice, mais son idéologie a pu maintenir jusqu’à aujourd’hui l’exclusion formelle, statutaire, des femmes de sa structure hiérarchique (de la prêtrise à la papauté). La justification de cette exclusion est théologique, elle s’appuie sur un "ordre de la création" : la femme est non seulement un " être de chair " en négatif (une personne du sexe, donc du péché), mais elle est aussi un " être de chair " en positif, c’est-à-dire une mère. Les femmes sont assimilées à des êtres particuliers, ou égales aux enfants. Quoiqu’une femme fut " Mère de Dieu ", mais les hommes ne manquent pas de s’en moquer en disant: " sois mère et tais-toi ". A la Mère mystique pleine de grâce, se substitue le couple " épouse-maîtresse de maison ou maîtresse tout court ". Tout ce qui intéresse l’homme c’est l’aspect extérieur de la femme, car il est le fondement de la séduction et de l’attirance ; au " sois mère et tais-toi " s’ajoute " sois belle et tais-toi ".
La femme est vue une fois encore soit comme un être de chair frivole (la maîtresse), soit comme un animal domestique promis à l’apprentissage du rôle de mère et de maîtresse de maison, mais dans les deux cas cantonnée par ses dons au " domestique " , incapable de s’intéresser au social. Au fond, la femme est un enfant trop naïve ou femme trop perverse, ou, au mieux (après dressage) femelle trop attachée à ses petits et à son " intérieur " , pour s’occuper à la " chose publique ", la République. Voilà pourquoi elle sera longtemps exclue du droit de vote, car pour l’homme, la femme souffre d’un manque d’universalité, alors que la différence avec l’homme est sa capacité à s’intéresser à l’Universel, et aux affaires du monde.
Pendant longtemps, la femme a toujours cru en cette opinion masculine, à telle enseigne qu’elle en est devenue aliénée. Réifié par l’homme, la femme est soumise à un statut social et à des conditions de vie qu’elle ne peut modifier sans bouleverser l’ensemble de l’ordre social.
Mais qu’est-ce qui fait qu’elle en arriva à se croire personne mais pas à part entière ? Ci-dessous, nous allons présenter quelques aspects qui ont fait que la femme se sente dans la chair d’une personne sans personnalité. Trois élements ont retenu notre attention : le problème de hiérarchisation entre les sexes, de préférence dans les sexes et des exactions corporelles infligées à la femme.
1. La hiérarchisation entre les sexes
L’origine de l’homme est expliquée par deux domaines disticts qui donnent deux versions complètement opposées ; il s’agit de la science qui soutient le phénomène de l’évolution, et la religion qui implique Dieu dans la création. Les évolutionnistes, dont Charles DARWIN en tête, soutiennent que l’homme est le fruit de l’évolution ; c’est-à-dire, c’est un animal qui a connu un développement physique et psychique. Seulement, la science ne nous dit rien sur l’origine des sexes.
A ce sujet, la religion se distingue très nettement de la science ; en effet, la Bible consacre ses premières pages à l’histoire de la création. Dans le livre de Génèse[1], il est écrit qu’ayant créé l’homme, Dieu dit qu’il n’était pas bon que l’homme soit seul ; ainsi le fit-il tomber dans un profond sommeil, puis prit une de ses côtes et en fit une femme.
Si ceci paraît comme une mythologie pour les non-croyants, ou une vérité vraie pour les croyants, nous, on se limite à la déduction selon laquelle l’homme, ayant perdu une de ses côtes dont Dieu se servit pour créer la femme, se passe pour un ensemble dont la femme est un élement, comme cela se démontre en mathématique. Ainsi, l’élement appartient à l’ensemble, et jamais le contraire. Dieu a donc voulu que la vie d’un couple se fonde d’abord et surtout sur la hiérarchisation, et non l’égalité. C’est pourquoi la femme occidentale perd son nom d’enfance, pour porter le nom de son mari ; mais le contraire ne s’applique jamais.
Un autre fait sur la notion de sexe fort et sexe faible attire notre attention : ce sont les règles grammaticales au sujet du genre en usage dans plusieurs langues ; ici, nous nous limiterons à ne parler que du français et du chinois. En effet, la langue française est très rigoureuse en matière d’accord en nombres et en genres. En ce qui concerne les genres masculins et féminins, il faut retenir que lorsqu’il s’agit d’un groupe composé d’hommes et de femmes, l’accord se fait au masculin même si dans le groupe il n’y a qu’un seul petit garçon face à des millions de femmes. Il en est de même en chinois ; la troisième personne du pluriel indiquent 他们 pour les masculins et 她们 pour les féminins ; mais en cas de groupe de personnes à sexes opposés, le 他们 l’emporte. Ces deux langues sont vieilles comme l’humanité. Cette grammaire ainsi stipulée démontre que la hiérarchie entre les sexes ne date pas d’aujourd’hui, et malgré toutes les luttes visant à promouvoir les conditions des femmes, on ne doit pas s’attendre à très bientôt la revision de ces règles grammaticales qui ne tiennent pas comptent du nombre de personnes, mais plutôt de leurs sexes. Faut-il ajouter que dans la Bible, lorsque l’on dénombrait les personnes devant lesquelles Jésus avait operé un miracle, on se limitait à compter les hommes, les femmes et les enfants étant pris en vrac[2].
En ce qui concerne l’ordre de préséance en famille, lorsqu’on demande à quelqu’un combien de gens sont-ils dans leur famille, la réponse est claire : mon père, ma mère et moi. Dans toutes les langues et de toutes les cultures, cet ordre ne s’inverse jamais. On n’entendra jamais quelqu’un qui présente sa famille en commençant par sa mère ou par lui-même. Cette manière de dire est faite très naturellement sans chercher à penser pourquoi cette hiérarchie est ainsi libélée. Comme pour dire que de tous les temps et de par toutes les cultures, l’homme est le détenteur du sexe fort, qui le place en tête dans la hiérarchie vis-à-vis de la femme ; ainsi toutes les institutions sociales qui regissent la vie matrimoniale l’ont consacré Chef de ménage. (à suivre....)
[1] Gen 1 :26 ;2 :7,18,21-23
[2] Mathieu 5, 21

Dr. Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, Anthropologue (CIBAF)

Saturday, August 16, 2008

Quel statut pour un enfant issu de la pratique I.A.D. ?


L’Insémination Artificielle avec Donneur de sperme, en abrégé, I.A.D., ne va pas sans susciter des questions relatives à la définition du couple, de la famille, de la paternité, de la filiation, qui concernent les fondements traditionnels de la société. Par le fait que le sperme doit demeurer anonyme, l’I.A.D. modifie des identités individuelles et des modalités de liaison intra- et inter-générationnelles. Ces enfants qui naissent sans connaissance d’un père précis nous ramène à l’époque des sociétés primitives, lorsque les hommes et les femmes vivaient séparément et que les enfants ne reconnaissaient que leurs mères.
En modifiant les règles élémentaires qui régissent la société humaine, l’I.A.D. s’attire le courroux des africains qui voient en l’enfant non seulement un trésor familial mais aussi et surtout l’avenir du clan, de la tribu, bref, de la société en général. Le fait de procréer un enfant en déhors du couple fait perdre la crédibilité de l’I.A.D. en Afrique, car elle s’écarte de la logique formelle de l’existence de l’humanité. Or, qui dit couple ou famille, évoque le mariage ; en Afrique, le mariage est conditionné par la remise obligatoire de la dot. Contrairement à l’I.A.D. qui produit des enfants sans statut, la dot, par contre, régularise les enfants en leur confèrant le droit à la filiation, comme nous allons le démontrer ci-dessous.
1. La Dot pour confirmer la paternité
Dans la conception africaine, la femme est toujours vue sous l’angle du potentiel de reproduction, car on se marie pour avoir des enfants. Mais alors, le seul fait biologique ne suffit pas pour que l’homme recouvre ses droits de paternité sur les enfants nés. La Dot donne la légitimité à l’homme sur les enfants nés de sa femme[1].
C’est ainsi qu’en cas de divorce, la famille de la femme ne restitue pas la dot et l’homme garde les enfants, de droit. L’enfant qui naît d’une femme non dotée, revient de droit à son grand-père maternel. Ainsi donc, la dot est signe de légitimité des enfants issus de l’union matrimoniale.[2]
2. La Dot dans la transmission du nom
Dans le système patriarcat, le père a toujours eu le privilège de la transmission du nom. Le nom du père est présumé être un garant contre l'inceste : les filles portent le nom de celui qui n'a pas le droit de les toucher – leur père, leurs frères.
Ainsi dit, quoique cela puisse se produire dans une probabilité très reduite, l’enfant issu de la pratique de l’I.A.D. est fort exposé à l’inceste car ne sachant pas les personnes pour lesquelles la société lui interdit de toucher ; c’est un enfant ‘naturel’ au sens strict du mot car le coeur où palpite sa vie lui est donné par un ‘père-monstre’, bref, dans la philosophie africaine en général et congolaise en particulier, c’est un enfant hors-la loi.
Toujours, suite à la Dot, les sexes ne sont pas égaux en matière de procréation. La tradition patrilinéaire est peut-être ringarde mais, quoi que l'on y fasse, les femmes portent les enfants et pas les hommes. Dans la même logique, en attendant le jour où l'on mettra au monde des enfants sans l'utérus de leur mère, il est important que l'enfant garde le nom de son père, justement à cause de cette inégalité fondamentale. Alors que tous les repères familiaux explosent, entre autres par la pratique de l’I.A.D., le nom reste l'un des éléments forts de paternité. Celle-ci étant de plus en plus fragile, il faut conserver ce repère-là parce que nous vivons dans des sociétés qui en ont énormément besoin.
2. La Dot et la problématique de filiation
Si la filiation est obligatoire telle qu’indiquée ci-haut, la paternité l’est aussi, et c’est la Dot qui la confirme. Les exemples qui suivent démontrent qu’il y ait eu des enfants qui grandissent dans les bras de ceux-là qui ne sont pas vraiment leurs parents consanguins.
Il est connu que la filiation maternelle résulte du seul fait de la naissance ; elle s’établit par l’acte de naissance. En d’autres termes, il est établi que la filiation d’un individu descend en priorité de sa mère. Mais pour déterminer avec certitude la vraie mère d’un enfant, aujourd’hui, aussitôt que l’enfant est né dans une maternité, on lui attache un symbole au bras indiquant le nom de sa mère. Si l’enfant sort de la salle d’accouchement sans que ces préalables soient faits, il y a risque que l’histoire du Roi Salomon[3] et les deux prétendantes mères se repète. En effet, il n’y avait pas, en leur temps, un moyen beaucoup plus sûr de déterminer la vraie mère de l’enfant vivant. Mais la manière dont ce Roi avait tranché un problème aussi épineux comme celui-là lui a valu le mérite d’être le Roi Sage de tous les temps. Quoique cette belle histoire date de près de 1.000 ans avant Jésus-Christ, la problèmatique persiste jusqu’à nos jours en Afrique traditionnelle. Aujourd’hui, trois mille ans après le jugement de Salomon, certaines cultures africaines continuent à soutenir que les mères ne transmettent rien à leurs enfants. Les Aruund de la République Démocratique du Congo croient, par exemple, en la théorie selon laquelle la conception de l’enfant serait déterminée par la seule intervention de l’homme, par l’éjaculation dans l’organe génital femelle. Dans cet ordre d’idées, la femme ne constituerait qu’un terrain de croissance du foetus.[4 ]C’est pourquoi, par ci par là en Afrique, on se limite plus à connaître le père d’un enfant que sa mère, car au nom de la Dot, la mère accouche d’un enfant qui ne lui appartient pas. Lorsque les Bashi disent : ‘mwene ndi oyo’ (il est fils de qui, celui-là) ; on répond par le nom de son père et jamais celui de sa mère.
Qu’allons-nous dire d’une fille aux multiples partenaires qui se retrouverait enceinte. Nous sommes ici dans un milieu traditionnel où le test ADN ne peut pas être effectué. Qui sera le père de l’enfant à naître ? La femme choisit ce dernier selon ses préférences : soit elle opte pour celui qui a plus de moyens, si elle est matérialiste ; soit elle désigne celui qui parait plus élégant, si elle est amoureuse. En ce cas, comme dans l’exemple biblique cité ci-haut, l’enfant est attribué par tatônnement à une personne qui devra servir de parent, alors qu’en réalité elle ne l’était pas. En République Démocratique du Congo , la loi sur la filiation stipule que filiation paternelle s’établit par la présomption légale en cas de mariage ou par une déclaration ou par une action en recherche de paternité. Nonobstant toute convention contraire, l’enfant né pendant le mariage ou dans les trois cents jours après la dissolution du mariage a pour père le mari de sa mère4. Et d’ajouter : l’enfant, issu d’une femme dont le mariage antérieur est dissout depuis moins de trois cents jours et qui est né après la célébration du mariage subséquent de sa mère, est tenu pour enfant des nouveaux époux, sauf contestation de paternité. Même ici, dans l’esprit de la loi congolaise en matière de filiation, la vraie paternité patauge.
Tel que dit ci-haut, un enfant issu de la pratique I.A.D. a le risque de perdre deux parents encore en vie car si par mégarde une erreur se produit, il peut grandir dans les bras d’une mère autre que la vraie, et surtout qu’il ne lui est pas donné de connaître le donneur du sperme dont il est issu : son père.
Heureusement grâce à l’A.D.N., on peut facilement palier à ces insuffisances qui caractérisent la croyance traditionnelle africaine. D’ailleurs la science n’en dit pas trop le contraire. Il est prouvé que grâce aux analyses de l’ADN, et en suivant le Y, on peut retrouver avec précision les ancêtres d’un homme allant jusqu’à 35 000 ans.
Nous ne saurons mettre un terme à ce sujet sur le statut de l’enfant issu de la pratique de l’I.A.D., sans évoquer une autre pratique, pas vraiment en vogue, mais qui existe en Afrique, lorsqu’il s’agit de trouver une solution à un cas de stérilité absolue : le ‘mariage homosexuel’.
En Afrique, on ne parle que mariages entre lésbiennes et jamais de mariages homosexuels (masculins).
En Afrique, le ‘mariage homosexuel’ a toujours été compris sous l’angle de la procréation. En effet, il existait des cas de passage à travers les genres observés dans certains mariages de femmes, veuves ou stériles, qui épousaient des jeunes filles pour qu’elles leur procurent une descendance. Les sens de ces genres de mariages diffèraient de milieu à l’autre. Pour le cas des femmes stériles, le choix du partenaire de l’autre sexe était fait par le mari; la femme concernée payait la dot de la jeune femme et les enfants issus du couple lui reviendront de droit et alors constitueront sa descendance.
Une autre situation : lorsque le mari de la veuve meurt sans lui laisser des enfants, celle-ci paie une dot pour une jeune fille qu’elle épouse légalement. Elle choisit alors, un homme pour cohabiter avec sadite épouse, mais les enfants seront les siens puisque c’est elle qui a payé la dot. Ces deux cas sont vecus chez les Nuer en Ethiopie[5].
Chez les Yoruba du Nigeria, comme chez les Nandi du Kenya, ou chez les Zulu et les Venda d’Afrique du Sud une femme de haut rang épouse en la dotant une autre femme qu’un amant masculin rendra grosse ; la femme noble deviendra le « père » des enfants et leur transmettra selon la règle patrilinéaire son nom, son rang et ses biens.
Comme il est clairement démontré ci-haut, les enfants nés de ce ‘mariage homosexuel’ ne sont pas « naturels » au sens de la loi congolaise qui désigne par ce terme les enfants sans pères-connus, comme ceux produits par l’I.A.D. Ils appartiennent socialement aux personnes qui ont payé les dots et leurs pères biologiques sont également connus, même s’ils n’ont aucun droit sur eux. Voilà qui prouve que la pratique de l’I.A.D. aura encore un long trajet à parcourir avant de pénétrer les sociétés africaines.
Conclusion :
Ces questions sur l’I.A.D. et la société interpellent le sociologue, l’anthropologue, le psychologue et le psychanalyse, le juriste, le décideur politique. Plus profondément encore, elles suscitent l’interrogation du philosophe et du théologien, tout en heurtant des morales établies. Selon certaines morales qui peuvent être traduites en règles de droit, l’I.A.D., même avec le consentement du mari, est assimilée à un adultère et l’enfant ainsi conçu est illégitime.
Dans les sociétés où l’I.A.D. est pratiquée se posent enfin des questions de justice, d’égalité et de solidarité ; l’Etat doit-il, et dans quelle mesure, prendre en charge le coût de la procréation médicalement assistée ? Cette prise en charge éventuelle ne concernera-t-elle que les cas de stérilité avérée, ou faut-il l’étendre à d’autres demandes ? Et surtout : le médecin doit-il donner suite à ces dernières ? Si l’on peut comprendre que le médecin pratique l’I.A.D. dans une perspective sinon curative (l’I.A.D. ne guérit pas la stérilité) du moins palliative qui prolonge la philosophie thérapeutique et naturaliste de la médecine traditionnelle (en l’occurrence, il trouve une voie détournée pour réaliser ce que la nature, pas accident, ne permet pas), ne change-t-on pas de philosophie dès lors que l’I.A.D. est mise au service de la reproduction humaine en dehors de tout couple hétérosexuel ? Ne sommes-nous pas ici au seuil d’une médecine artificieuse au service de demandes émanant de désirs individuels ou collectifs qui empêche de s’aventurer toujours plus avant dans l’artifice : insémination à l’aide du sperme d’un conjoint décédé, fécondation in vitro avec diagnostic préimplantatoire, sélection eugénique d’embryons et choix du sexe, mère porteuse, grossesse post-ménopause, achat d’embryons congelés sélectionnés, reproduction par clonage,…La reproduction humaine apparaît désormais davantage comme une combinatoire de possibilités techniques à la disposition des préférences individuelles ou communautaires que comme la voie unique imposée par la nature.
[1] KANYAMACHUMBI, P., «La dot et la structure clanique du marriage coutumier», dans Revue du Clergé Africain, 1972, t.27, no 2, pp . 127-128
[2] MULAGO, Mariage traditionnel africain et mariage chretien, p. 62
[3] I Roi 3:16-28
[4] art. 602 du Code de la famille de la République Démocratique du Congo
[5] E., EVANS-PRITCHARD, « Kinship and Marriage Among the Nuer», London, Oxford University Press, 1951, p108.

Dr Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, PhD Anthropologue (CIBAF)

Friday, July 11, 2008

Interrogations sur la fiabilité de l’IAD

L’Insémination Artificielle avec Donneur de sperme, en abrégé I.A.D. est une méthode de procréation médicalement assistée (PMA),une question très étudiée en Bioéthique. Nous voulons évoquer ici la complexité des questions proprement médicales pouvant assurer sa fiabilité. Il se posent donc des questions relatives : à la collecte du sperme, aux critères de qualité sanitaire du sperme , à l’appariement minimal, etc.

Avant tout, posons-nous une question : le sperme est-il un don gratuit ou non?

Parler de la personne, notamment en médecine, nous amène tout naturellement à nous interroger aussi sur le corps et ses parties. Qu’est-ce que le corps humain ? Qu’est-ce qui le différencie d’une chose (outil, marchandise), d’un animal, d’un cadavre ?
Parmi la diversité des conceptions du corps humain, la culture occidentale est marquée globalement par une double tradition, la tradition gréco-latine, notamment platonicienne, pour qui le corps est comme séparé de la personne, et la tradition juive pour qui le corps désigne un point de vue sur la personne. D’un côté, le corps objectif , de l’autre, le corps subjectif ou symbolique ; d’un côté l’ordre de l’avoir : j’ai un corps, de l’autre, l’ordre de l’être : je suis un corps ; d’un côté, une vision dualiste de l’être humain : mon corps et moi, de l’autre, une conception unitaire : moi. Cette ambiguïté du corps est souvent source de confusion et de malaise.

Pour Platon, le corps est comme un tombeau, entendons par là le tombeau de l’âme ; l’âme y vit comme dans une prison. La philosophie de Platon fait du corps quelque chose d’autre que l’homme, un corps étranger. Le modèle platonicien du corps culmine chez le philosophe René Descartes qui le considère comme «une machine composée de pièces formant ensemble un mécanisme complexe, certes, mais analysable en parties distinctes. » (Jean-François MALHERBE, Pour une éthique de la médecine, Paris, Larousse, 1987, p.52).

La médecine moderne n’a pas de souci de l’homme, mais du corps malade ; elle traite « la machine humaine », mais pas « l’homme » dans sa singularité. On dit le corps humain, mais ce sont ses parties (organes, tissus, sang, gènes, etc.) qui risquent alors, toutes et chacune, d’être considérées comme des purs matériaux.

Par contre, la culture hébraïque avait une conception très unitive de la personne humaine : le corps c’est l’être humain comme totalité dynamique et indivise. Ainsi, selon eux, le corps n’est donc pas un objet ; c’est l’homme lui-même.

La réflexion sur la solidarité, liée à la réflexion sur d’autres concepts comme le sens et le symbolisme du corps humain, a amené bien de gens à découvrir et signaler le risque de ramener tous les rapports humains à des rapports économiques. On a développé en ce sens l’idée ou le principe de la non-commercialisation du corps humain et celui de la gratuité nécessaire de certains échanges.

Ainsi, dans le champs du prélèvement et de la transplantation d’organes et de tissus, on a facilement élaboré la règle de la gratuité du don. Un organe humain n’a pas de prix. Son sens symbolique l’exclut du champ de l’évaluation économique, de l’échange marchand. En faire un objet de commerce pourrait d’ailleurs conduire à une exploitation éhontée de pauvres qui voudraient, par exemple, vendre un rein pour avoir l’argent nécessaire à leur subsistance. L’appel à la solidarité humaine s’avérerait ainsi une base beaucoup plus éthique pour cette question. Dans le champ de la recherche et de l’expérimentation sur l’être humain, la même règle de la gratuité a vu le jour. On se prête à une expérimentation par solidarité.

Pour le cas précis de l’IAD, quelle considération peut-on avoir du sperme et, d’une manière plus large, des cellules germinales humaines : choses, choses abandonnées, biens commercialisables, parties inaliénables du corps humain qui est hors commerce…? Les banques de sperme et les centres d’insémination devraient répondre à ces genres d’interrogations.

Quels sont les critères arrêtés par les banques de sperme et les centres d’insémination lors de la collecte du sperme : quel âge recommande-t-on au donneur? Faut-il qu’il soit jeune (18-30), adulte (31-60), ou vieux (61- ?) ? Pourquoi doit-on avoir une préférence d’âge ? Au moment de la collecte, veille-t-on à analyser le sperme pour se rassurer qu’il y a absence de maladie infectieuse transmissible ? Comme le donneur de sperme doit être anonyme, n’y a-t-il pas risques génétiques ? Ou encore y a-t-il le souci de ne pas mélanger les races, au sens où l’on éviterait qu’une femme au sein d’un couple européen ou asiatique ne reçoive le sperme d’un donneur africain, par exemple ou inversement?

Est-il possible ou non de faire intervenir d’autres critères de sélection des donneurs de spermes et de sélection du sperme, scientifiquement plus ou moins fondés ou non : comme, par exemple le groupe sanguin, la couleur des yeux et des cheveux, la taille, le poids, l’appartenance ou réussite sociale, profession, les traits de personnalité, et ou que le donneur ait déjà une expérience parentale et vive en couple. etc. ? Quelles demandes peuvent être acceptées : exclusivement les couples d’homosexuels… ?

Ces questions concernent les banques de sperme et les centres d’insémination qui peuvent être régulés par la loi et soumis à l’agrément officiel ou, au contraire, laissés à l’entreprise privée dans le cadre du marché et du droit contractuel.

Ces interrogations sur la fiabilité de l’ Insémination Artificielle avec Donneur de sperme sont tellement pertinentes qu’il se poserait, en Afrique, un problème d’adhésion générale à cette forme de palliation de certaines stérilités (notons, dès le départ, que des alternatives sont envisageables, telle l’adoption ; et en plus, l’IAD ne soigne pas la stérilité). Si scientifiquement les critères requis lors de la collecte ne garantissent pas la fiabilité de cette pratique, qu’en est-il du statut de l’enfant qui en est le fruit? Ceci constituera notre prochaine analyse.


Dr. Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, PhD
Anthropologue (CIBAF)

Wednesday, March 12, 2008

Bioéthique en Afrique francophone au sud du Sahara: des drois humains déshumanisés aux droits des humanisés

Par Bavon Mupenda
Centre Interdisciplinaire de Bioéthique pour l'Afrique Francophone

(Ce message a d'abord été publié dans le Blog Bioéthique Globale en 2007. Quelques petites modifications de forme y sont ajoutées)

1. Introduction

Il existe une diversité de textes protégeant les droits des humains à travers le monde (Council for International Organizations of Medical Sciences, 1991; Nations Unies, 1948; World Medical Association, 2000; etc.). Il se fait malheureusement qu’en dépit de toute la bonne « volonté » du législateur, ces droits sont, en pratique, souvent déshumanisés et les principes éthiques en souffrent énormément. Il est pourtant imaginable de créer un monde où il fait bon vivre ; où l’homme cesserait (virtuellement, dira-t-on ?) d’être le « loup pour l’homme ». C’est l’ère des droits et de l’éthique des humanisés.

Nous rêvons de rédiger un essai avec pour objectif principal de réaliser une revue de la littérature sur les théories, les principes et les pratiques de la bioéthique, et de l’éthique de la recherche biomédicale et de les lire (ces théories, principes et pratiques) à la lumière des faits concrets de terrain en République Démocratique du Congo, ravagée par près d’une décennie d’une guerre fratricide et d’invasion mqis surtout par une mégestion qui l'empêche de décoller.

Ce texte introductif est un avant-goût aux futurs lecteurs de cet essai. Nous y faisons une ébauche de présentation de notre lecture de la bioéthique, de l’éthique de la recherche et des droits humains en matière de santé et développement en Afrique francophone au Sud du Sahara en cette première décennie du 21e siècle.

Depuis longtemps, la santé est perçue en termes des douleurs, fractures, mobilité inhibée, difficulté de respirer, sensation d’inconfort, fatigue généralisée, etc.(United Evangelical Mission, 2004). Il suffirait donc, apparemment, de mettre fin à ces problèmes (encore faut-il qu’on y parvienne) pour restaurer la santé, dirait-on. Cependant, des personnes peuvent ne pas subir l’un ou l’autre de ces malaises, de ces inconforts, mais toujours souffrir, et peut-être plus péniblement, et donc ne pas être en bonne santé. C’est en effet à juste titre que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), définit la santé au sens le plus englobant possible : état de bien–être complet, physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité (Organisation Mondiale de la Santé, 1987).

En réalité, définir la santé en termes plus globalisants ne commence pas avec la très célèbre Conférence d’Alma-Ata. Déjà, aux temps du Nouveau Testament biblique, un écrivain d’il y a maintenant plus de 2000 ans disait : « … et il soigna ses plaies, l’amena vers un lieu d’hébergement et prit soin de lui »(Evangile selon Luc 10:2 version TOB). De l’analyse d’un tel passage, il peut ressortir que « soigner les plaies » se rapporterait à l’aspect curatif de l’action de la santé ; « l’amener [le blessé de Jéricho] vers un lieu d’hébergement » va plus loin et se rapporterait aux aspects sociaux, tandis que « prendre soin » de l’infortuné qu’aida le Samaritain se rapporterait aux aspects préventifs de la santé.

Cette vision holistique de la prise en charge d’une personne qui est dans le besoin, si elle n’a pas inspiré les initiateurs de la définition complète de la santé, doit au moins leur être très proche. Elle inspire par ailleurs le modèle que nous pouvons appeler « PréCuSo », pour dire : dans sa vision globalisante, la santé doit prendre en considération la prévention des maladies et d’infirmités, y compris leur promotion (Pré) ; prendre en compte l’aspect curatif des maladies et d’infirmités, y compris la réhabilitation (Cu); mais encore et surtout prendre en compte leurs aspects sociaux (So) (Tropical Institute of Community Health and Development (TICH), 2002).

Comme le disait un jour Macdonald (2005), beaucoup d’efforts en vue de la restauration de la santé ont, malheureusement, regardé les personnes tomber dans le fond de la rivière de la maladie à son aval (effort curatif) lorsqu’il devient difficile de les en repêcher. Si les malades étaient repêchés en amont (effort préventif) de la rivière de la maladie, ils seraient sauvés avant d’arriver dans la profondeur de eaux (McDonald, 2005).

Ainsi que l’indique son titre, cet essai se subdivisera en trois parties principales : (i) un regard sur les droits des humains, (ii) une lecture des droits humains déshumanisés et (iii) une analyse des possibilités de bioéthique et des droits des humanisés.

Dans cette introduction, nous parlerons brièvement de la bioéthique et de l’éthique de la recherche dont nous venons d’ouvrir un centre à l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Kinshasa, en République Démocratique du Congo.

2. Bioéthique et Ethique de la recherche

L’engouement avec lequel le monde accélère des efforts de protection du bien-être, de la dignité et des droits de la personne humaine au travers de la bioéthique ne peut laisser insensibles les Africains en général, et les Congolais de la RDC en particulier lorsqu’il est patent que la vitesse de l’envol du monde est en flagrante contradiction avec le retour à « l’âge de la pierre » dans ce continent, dans ce pays, quelques exceptions pr.

L’éthique médicale, à côté de la théologie, a été chez nos amis de l’ouest, le fer de lance de toute guerre contre l’immoralité et pour la construction d’un monde toujours meilleur. De plus en plus, l’éthique médicale concerne maintenant tout le monde: patients, parents et autres membres des familles de patients, les hommes d’Etat, les formateurs et les professionnels de la santé. Infirmiers, pharmaciens, dentistes, spécialistes en santé publique et autres, tous, nous voulons nous assurer que les droits, la dignité et le bien-être de la personne humaine sont assurés. Mais en jetant un coup d’œil tout autour de nous, il y a lieu de se demander si nous n’agissons pas par hypocrisie ou pour faire plaisir à un bailleur de fonds qui risque de nous couper la source de financement.

3. Principes directeurs de la bioéthique

Après des atrocités de Nuremberg (en Allemagne) et celles de Tuskegee (aux États-unis), des codes d’éthique ont été imaginés. Le plus connu est le Rapport Belmont, qui donne les trois principes fondamentaux de l’éthique biomédicale :

- Le respect de la personne
- La bienfaisance
- La justice

3.1 Le respect de la personne recouvre la capacité et les droits qu’ont tous les individus d’être les arbitres de leurs propres choix et décisions. Il se rapporte au respect de l’autonomie et de l’autodétermination de tous les êtres humains, dont on reconnaît la dignité et la liberté.
Une composante importante de ce principe tient à la protection particulière qu’il convient d’accorder aux personnes vulnérables.

3.2 Le principe de bienfaisance veut que le professionnel de santé assume la responsabilité du bien-être physique, mental et social du patient. On parle également de principe de non malfaisance. Ne faites pas mal.
Les risques encourus par le patient doivent être évalués à la lumière des avantages qui pourraient découler de l’intervention. En tout état de cause, les risques doivent toujours être ramenés au minimum pour le patient.

3.3 Le principe de justice recommande que le traitement soit utilisé équitablement. Les égaux seront traités également ; les inégaux seront quant à eux traités inégalement avec petite faveur aux faibles. Le favoritisme sous quelque forme que ce soit sera évité.

4. Importance d’un comité d’éthique

La présence d’un comité d’éthique au sein d’une institution de santé est d’une importance capitale pour deux raisons principales (Moutel, Deney, & Hervé) :

Le professionnel de santé sera désormais protégé comme individu car l’erreur qui peut survenir devra d’abord être perçue comme une erreur de tous. Devant la justice, le consentement volontaire éclairé présenté dans un formulaire servira de preuve de bonne foi et d’agrément du patient devant les instances judiciaires qui pourraient poursuivre le professionnel de santé

Tout ceci est bien bon. Mais à quoi nous est-ce utile en Afrique ? Faut-il une bioéthique africaine, une bioéthique à l’africaine, une bioéthique des Africains ou une bioéthique pour les Africains ?

5. Pour une bioéthique africaine

Ralph-Campbell disait un jour :

Comme le colonialisme des 16e au 20e siècles approche sa fin et sa retraite, une différente forme d’expansion, coïncident avec le progrès de la technologie et de la science occidentales, suit son bonhomme de chemin en remplacement du premier : le « colonialisme médical. La cible a changé. Au lieu de cibler les « terres sauvages », on cible maintenant les « nations en développement » (les laissés pour compte dès les début de la période coloniale, et l’objectif n’est plus d’obtenir des épices, les terres et les textiles; ce que les colonialistes médicaux de l’Occident cherchent, c’est la maladie, l’établissement des colonies tout autour des dispensaires et des essais expérimentaux au fur et à mesure qu’ils poursuivent leur chemin (Ralph-Campbell, 1997).

En effet, il sied de constater qu’il existe encore une disparité entre pays du nord et ceux du sud en ce qui concerne la capacité productive des connaissances et de la technologie. Le nord est encore plus en avance et pourrait être tenté de venir faire des essais de ses découvertes au sud, notamment pour s’éviter les rigoureuses conditions d’essais des découvertes dans ses propres milieux. Les ressortissants du sud produisent eux aussi de plus en plus de connaissances nouvelles et pourraient être tentés, en collaboration avec leurs collègues du nord, de mener des essais sur le sol et avec les personnes du sud. D’autre part, la puissance du professionnel de santé par rapport au malade, communément appelé dessein « patient » met ce dernier aux risques de tout dérapage possible.

Tout ceci devenant inquiétant si des garde fous ne sont pas mis sur pied, l’Afrique sub-Saharienne en général, et l’Afrique francophone au sud du Sahara doit s’armer de connaissance et des structures pouvant la préparer a rencontrer cette nouvelle ère. Une bioéthique à l’Africaine, copie conforme de la bioéthique occidentale risque de conduire au modèle « juridiste » mimétique de la copie conforme de certaines lois inadaptées aux réalités africaines mais que nous plaçons dans nos instruments parce que nous n’avons pas d’autre modèle à suivre. Sous-jacente à la vision précédente de la bioéthique en Afrique, est la bioéthique des Africains, vision d’un modèle existant, appliqué aux Africains. Il s’agirait d’exhumer des modèles occidentaux ou orientaux, avec des spécialistes occidentaux ou orientaux qui appliqueraient leur bioéthique aux Africains. Il ne serait pas surprenant dans ce cas, de poser le problème des maladies des riches, des thérapies géniques, de l’euthanasie, de l'acharnement thérapeutique, etc. qui sont en fait des faits réels mais sur lesquels une bioéthique africaine s’appesantirait.

Une bioéthique africaine devrait, c’est mon opinion, d’abord être engagée. L’engagement de la bioéthique africaine consisterait en des attitudes et des actions de libération morale que nous pouvons résumer dans les points suivants :

5.1 Acteurs principaux de la bioéthique et de l’éthique de la recherche

L’Afrique francophone au sud du Sahara a une crème intellectuelle riche et diversifiée que, malheureusement, les conflits et la clochardisation ont anéantie mais pas exterminée. Il y a plein d’éthiciens qu’un soutien honnête permettrait de revivifier. C’est à eux que doit revenir la mission et la vision de libérer le peuple, l’écosystème et les structures de l’Afrique francophone au sud du Sahara du joug de l’immoralité et de l’amoralité dans sous lequel ils pendent. Bien entendu, après un lavage de cerveau par de régimes politiques, culturels, moraux et sociaux abjects, ces intellectuels ont besoin d’un réarmement moral, gage d’une réussite de leur rôle de tête de proue du réarmement moral de toute la société.

5.2 Domaines d’action

Tous les axes qui nécessitent l’attention des bioéthiciens sont à prendre en compte mais suivant un ordre de priorité. Les axes les plus urgents à ce jour sont : l’éthique clinique, l’éthique de la recherche biomédicale, l’éthique de l’environnement, l’éthique de la justice sociale, et l’éthique de politiques de santé.

Comme souligné plus haut, l’éthique clinique ne s’intéresserait pas de sitôt à la sophistication médicale atteinte par les sociétés dites avancées. En revanche les relations médecin et patient, les relations entre professionnel de santé et patient, les relations des professionnels de santé entre eux ainsi que le dévouement des professionnels de santé face à leur travail, devront intéresser la bioéthique africaine au plus haut point. L’éthique de la recherche biomédicale devra prendre en considération le danger d’avoir des chercheurs locaux travailler en appendice des chercheurs venus de l’extérieur, simplement parce qu’ils amènent le financement pour la recherche. Il s’agira aussi de faire échec a toute activité de recherche exposant aux grands risques des populations locales ; activité qui ne serait nullement mis en application dans les pays d’origine des collaborateurs. Cela ne veut pas dire que des activités qui ne peuvent être organisées que dans les communautés locales devront être refusées sous ce prétexte.

Une éthique environnementale devra démontrer le bien fondé de la protection de la biodiversité sans préjudicier les autochtones et protéger des communautés qui auront déjà détruit leurs propres écosystèmes mais veulent survivre sur les dos des autres. La flore, la faune et toute la biodiversité pourront faire l’objet d’une utilisation rationnelle et de leur renouvellement, par des moyens plus humanisants.

La bioéthique la plus oubliée, c’est celle de la justice sociale, qu’elle soit distributive ou rétributive. Il est moralement inacceptable que dans le domaine de la santé, des personnes se fassent le luxe d’utiliser les deniers public pour se faire soigner, faire soigner les membres de leurs familles ou fassent étudier leurs enfant dans des institutions étrangères alors que dans leurs propres pays la population ne peut même pas manger deux repas par jour ou meure des maladies dont elle peut être épargnée par la prévention. La bioéthique devra se pencher sur l’injustice sociale dans le système de distribution des revenus conduisant à des maladies de tous genres alors qu’on cherche la cause des maladies dans les microorganismes. L’éthique de l’équité sexuelle, par age et par origine tribale ou régionale et tant d’autres domaines intéressent mieux le bioethicien d’Afrique que toute la sophistication de l’analyse des embryons.

L’éthique des politiques de santé, proche des formes exposées plus haut considérera la manière dont sont gérées les structures et institutions de la santé. La concentration de toutes les structures soit dans les grands centres urbains, soit dans certaines provinces/régions d’un pays au détriment des milieux ruraux ; la concentration des services de santés dans des grandes structures hospitalières au détriment des structures moyennes et de petite dimension rapprochant le professionnel de santé avec le demandeur de servies de santé ; les modèles de financement de services de santé, sont autant d’autres domaines d’intérêt pour la bioéthique en Afrique francophone au sud du Sahara..

Malheureusement, il y a peu, ou prou, d’institutions dans lesquels les intellectuels d’Afrique francophone peuvent renforcer leur capacité en matière de bioéthique.

6. Un Centre Interdisciplinaire de Bioéthique pour l’Afrique Francophone

Depuis mai 2006, l’École de Santé Publique de l’Université de Kinshasa, sous l’instigation des Professeurs Kiyombo Mbela et Okitolonda Wemakoy, a, en collaboration avec l’Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill (représentée principalement par Frieda Behets et Stuart Rennie) et l’Université Catholique de Louvain (représentée principalement par Mylène Bothbol-Baum), initié le projet de création d’un Centre Interdisciplinaire de Bioéthique pour l’Afrique Francophone. Ce Centre, dont la coordination est assurée par Bavon Mupenda, en collaboration avec Félicien Mundayi et Mathilde Ekila Botale, se donne une vision et une mission ambitieuses mais nobles.

6.1 Vision du Centre de Bioéthique

Devenir un centre d’excellence en matière de formation, de recherche et d’intervention en bioéthique dans l’Afrique francophone par un partenariat croissant avec des personnes et institutions intéressées au bien-être et à la dignité de l’être humain.

6.2 Mission du Centre de Bioéthique

Produire des chercheurs, dirigeants et collaborateurs de toutes les spécialités scientifiques, technologiques et professionnelles des pays d’Afrique francophone ayant une vision de transformer la situation de la personne humaine par une recherche et des actions en santé et développement qui tiennent compte du respect des droits, de la dignité et du bien-être de la personne humaine, dans un contexte inégalitaire, de marginalisation, et d’insuffisance des moyens.

6.3 Les domaines stratégiques du Centre de Bioéthique

Le centre se fixe six domaines stratégiques:

(i) La gestion du développement institutionnel,
(ii) Le développement et la gestion des programmes de partenariat pour le changement en communauté,
(iii) Le développement et la gestion des programmes académiques,
(iv) L’information, la communication, le plaidoyer et la connexion en réseau,
(v) La recherche action à base communautaire et les services techniques en matière de bioéthique, et
(vi) Le développement des stratégies de génération de revenus.

7. Conclusion

La bioéthique est une sœur de la défense des droits humains. Malheureusement, ces droits paraissent encore déshumanisés en Afrique francophone au sud du Sahara suite, notamment, à la gloutonnerie propre aux esprits non encore imbus de moralité. Mis ensemble dans l’harmonie et l’unisson, les efforts de moralisation des instances médicales, sociales, politiques, de la santé et de l’environnement, peuvent renverser la situation d’injustice et installer une justice sociale, politique et économique voulue par tous ; renverser la situation d’une domination des professionnels de la santé sur les patients et installer un système de collaboration et consensualiste dans les relations avec le patient ; reverser un regard destructif de l’écosystème et installer une symbiose harmonieuse entre l’humain et le reste de la biodiversité. Ce sera déjà un pas vers les droits des humanisés dans un monde paradisiaque.




REFERENCES

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